La donation-partage, comme son nom l’indique, consiste à donner votre patrimoine, tout en le partageant entre vos héritiers. Le tout, de votre vivant ! Pourquoi faire ? D’une part pour optimiser votre succession. Grâce au mécanisme des abattements successifs applicable aux donations, vos enfants payent des frais de succession réduits à votre décès. D’autre part pour préserver l’entente familiale. Votre patrimoine étant partagé en amont de votre décès, le risque de conflit entre vos enfants est limité à l’ouverture de votre succession. Sachez en outre que la donation-partage est sécurisée : si un enfant s’estime lésé, l’équilibre est rétabli à votre décès. Vous aussi vous êtes sécurisé : en vous réservant l’usufruit, vous gardez la jouissance de vos biens jusqu’à votre décès. Vous avez un patrimoine immobilier (et/ou mobilier) important ? Envisagez la donation-partage le plus tôt possible…
Donation-partage : définition
La donation-partage est prévue par les articles 1075 et suivants du Code civil. C’est un outil de transmission du patrimoine, pour organiser votre succession de votre vivant. La donation-partage est particulièrement intéressante si vous avez du patrimoine immobilier (et/ou mobilier) d’une valeur importante. En effet, cette valeur patrimoniale importante a vocation à être taxée de manière tout aussi importante, et à attiser les conflits intrafamiliaux. En donnant-partageant de votre vivant, vous limitez ces 2 impacts.
Le principe :
- Vous avez des biens immobiliers, et des héritiers – enfants, petits-enfants, nièces et neveux…
- Vous formez des lots à répartir. A noter que vous pouvez donner-partager tout ou seulement une partie de vos biens.
- Vous attribuez un lot à chaque héritier. Par exemple : vous êtes propriétaire de votre résidence principale, d’un appartement et d’une maison de vacances. Vous donnez la résidence principale à votre fils aîné, et les 2 autres biens immobiliers à votre fille cadette.
- Chaque héritier bénéficiaire de la donation-partage est alors immédiatement propriétaire du lot reçu.
La donation-partage peut être transgénérationnelle
La donation-partage, la plupart du temps, est au bénéfice des enfants. Mais la loi vous autorise à désigner d’autres bénéficiaires : la donation-partage transgénérationnelle vous permet de donner-partager à vos enfants et/ou à vos petits-enfants. Attention ! Vos enfants concernés doivent être d’accord : ils doivent renoncer au lot qui correspond en principe à leur part d’héritage.
Exemple : vous avez 1 fils, qui a lui-même 1 fils. Vous pouvez faire une donation-partage à votre petit-fils avec une clause d’usufruit successif pour votre fils à votre décès. Ou encore donner-partager vos biens immobiliers au profit de votre fils et votre petit-fils. Quoi qu’il en soit, votre fils doit consentir à la donation transgénérationnelle.
Donation-partage conjonctive et donation-partage cumulative pour simplifier la succession
Dans le cadre d’un couple marié, vous pouvez encore simplifier la succession à venir en prévoyant des mesures de votre vivant.
- La donation-partage conjonctive : vous formez une masse fictive qui englobe les biens communs et les biens personnels de chaque époux parent. C’est cette masse qui fait l’objet de la donation-partage au bénéfice des enfants. A noter qu’en présence d’enfants d’une union précédente, l’époux ne peut donner qu’à ses propres enfants.
- La donation-partage cumulative : si votre époux est décédé, vous pouvez faire une donation-partage sur l’ensemble du patrimoine. Vos biens et les biens laissés par votre époux décédé sont confondus en une seule masse pour permettre la transmission de l’ensemble de manière simplifiée.
Quelle est la différence entre donation et donation-partage ?
Donation ou donation-partage, la confusion est fréquente… Pourtant la différence est dans le titre !
- Vous faites une donation lorsque vous donnez un ou plusieurs biens, ou de l’argent. Lorsque la donation porte sur un bien immobilier ou mobilier, vous ne partagez pas ledit bien. Et si les bénéficiaires sont plusieurs, ils se retrouvent en indivision. Exemple : vous donnez un appartement à vos 3 enfants ; l’appartement n’est pas partagé, vos 3 enfants en sont propriétaires indivis. Pour sortir de l’indivision, ils doivent décider de vendre l’appartement, afin de se partager le prix de vente.
- Vous faites une donation-partage lorsque vous partagez votre patrimoine par anticipation. Dans l’exemple précédent : vous donnez l’appartement à votre aîné, vous donnez la maison de vacances à votre 2nd enfant et vous donnez de l’argent à votre dernier enfant. Vous avez ainsi non seulement donné, mais aussi partagé tout ou partie de votre patrimoine. L’intérêt majeur de la donation-partage en comparaison avec la donation simple : vous évitez l’indivision entre vos enfants, et par conséquent un risque de conflit… Sachez en outre que contrairement à la donation simple, la donation-partage n’est pas rapportable à la succession : la valeur des biens qui sont donnés est figée au jour de l’acte notarié.
A noter que la donation-partage suppose un patrimoine qui peut être fractionné en lots. Si vous avez un bien immobilier et de l’argent, vous pouvez faire 2 lots de nature distincte. Si vous avez 3 biens immobiliers, vous pouvez les répartir entre vos 3 enfants. Un bien immobilier unique en outre peut être vendu, afin de partager l’argent entre les héritiers.
Autre différence : alors que la donation peut être consentie à la personne de votre choix, la donation-partage est réservée à vos héritiers.
La réserve d’usufruit pour garder la jouissance de votre patrimoine immobilier
La donation-partage avec réserve d’usufruit est un excellent moyen de transmettre votre patrimoine immobilier tout en gardant la jouissance de vos biens. Afin de vous sécuriser sur le plan financier…
- L’enfant ou le petit-enfant devient nu-propriétaire du bien immobilier.
- Vous êtes usufruitier du bien. C’est-à-dire que vous pouvez continuer à l’habiter, ou le mettre en location et percevoir les loyers.
- A votre décès, votre enfant ou petit-enfant récupère l’usufruit gratuitement, il en est pleinement propriétaire.
Cet outil de transmission du patrimoine est surtout destiné à réduire la fiscalité. Car en pratique, l’enfant bénéficiaire de la donation-partage avec réserve d’usufruit ne profite aucunement du bien immobilier dont il est nu-propriétaire.
Quel intérêt de faire une donation-partage ?
Tout comme la donation, la donation-partage présente 2 intérêts majeurs : vous optimisez votre fiscalité, et vous aidez vos héritiers à un moment de leur vie où ils en ont besoin. La donation-partage offre un intérêt supplémentaire : vous limitez le risque de conflit successoral.
#1 Réduire les frais de succession
En donnant de votre vivant, vous bénéficiez des abattements successifs : un bon moyen de transmettre à vos enfants sans payer d’impôt. Vous pouvez donner, tous les 15 ans, sans payer de droits de donation :
- 100 000 € par parent et par enfant.
- 31 865 €, par grand-parent et par petit-enfant.
Tout ce que vous avez donné de votre vivant sort de la succession : à votre décès, aucuns droits de succession à payer.
Illustration : vous êtes propriétaire d’une maison et d’un appartement valorisés chacun à 100 000 €. Vous donnez la maison à votre fille, et l’appartement à votre fils : vous ne payez pas de droits de donation. 15 ans plus tard, il vous reste 2 biens immobiliers, chacun encore une fois évalué à 100 000 €. Vous refaites une donation-partage, sans payer de droits de donation. A votre décès, votre patrimoine se compose d’une somme d’argent de 200 000 €. Vos enfants en héritent sans payer de droits de succession. In fine, vous aurez transmis à vos enfants la totalité de votre patrimoine, sans fiscalité. Sans donation, vos enfants auraient chacun payé des droits de succession calculés sur la base de 200 000 €. Les économies sont considérables…
#2 Prévenir les conflits entre vos enfants
Dans les familles les plus soudées, une succession peut être source de conflits au point de briser l’équilibre de la fratrie. La donation-partage, à la différence de la donation simple, préserve l’entente familiale.
- Lorsque vous faites une donation d’un bien immobilier, vos enfants se retrouvent en indivision. Ils sont donc propriétaires ensemble, et doivent gérer le bien à plusieurs. Or la situation est complexe… Exemples : un frère veut vendre et la sœur préfère garder la maison mais n’a pas l’argent pour racheter la quote-part de son frère ; la maison nécessite des gros travaux, mais un membre de la fratrie n’a pas les moyens de payer sa part des dépenses ; les frères et sœurs sont en désaccord sur le sort de l’appartement : le laisser vacant pour en profiter lors des vacances, le mettre en location pour en tirer des revenus… L’indivision est une situation juridique complexe, parce qu’elle implique d’être propriétaires à plusieurs. Et il n’est pas rare de voir des fratries se disputer, jusqu’à briser totalement le lien.
- Lorsque vous faites une donation simple, en outre, elle est rapportée fictivement à la succession au jour de votre décès. Et la valeur du bien qui a été donné est évaluée à l’ouverture de la succession. C’est également une source de conflit : si un bien a pris de la valeur, l’enfant qui l’avait reçu doit de l’argent à la succession.
- Si vous faites une donation-partage, chaque enfant est seul propriétaire de son lot. Il prend seul les décisions concernant le bien immobilier reçu, le risque de conflit est largement réduit. Si vous n’avez qu’un seul bien immobilier à donner, mais également de l’argent, vous pouvez tout à fait faire une donation-partage : chaque enfant reçoit un lot, de nature distincte, et en dispose librement.
Comment faire une donation-partage ?
La donation-partage est obligatoirement un acte notarié. Vous devez donc prendre contact avec votre notaire pour procéder aux démarches.
Donation-partage inégalitaire : vos droits et les garde-fous
Un des principes fondamentaux du droit des successions en France : l’égalité entre les héritiers. Sans disposition expresse, les héritiers du même ordre ont vocation à hériter de la même valeur patrimoniale. C’est-à-dire que chaque enfant doit recevoir une part de patrimoine d’égale valeur. Si la loi autorise à avantager un héritier, c’est dans la limite de la quotité disponible. Et en aucun cas un enfant ne peut être déshérité.
Vous pouvez avantager un ou plusieurs enfants…
Oui, vous pouvez tout à fait avantager un enfant au moment de faire une donation-partage. Plusieurs cas de figure :
- Vous avantagez légèrement un enfant, faute de pouvoir constituer des lots de valeurs identiques. Exemple : vous avez un appartement évalué à 120 000 € et une maison évaluée à 125 000 € ; vous n’avez pas les moyens de verser la différence en argent ; un des enfants est légèrement avantagé. La donation-partage en effet n’est pas rapportable à la succession. A votre décès, l’enfant légèrement lésé n’a donc aucun recours. Pour éviter les conflits, il est recommandé de former des lots identiques.
- Vous constituez des lots d’égale valeur, mais au potentiel distinct. Exemple : vous donnez 2 appartements évalués au même montant, mais localisés à des emplacements différents. Un emplacement prend beaucoup de valeur alors qu’un autre se dévalorise. Sans le vouloir, vous avez avantagé un enfant. D’où l’intérêt de procéder au partage avec prudence et une bonne vision du marché sur le long terme, pour éviter les rancunes.
- La fratrie est d’accord pour avantager l’un d’eux. Chacun peut alors renoncer par avance à son action en réduction, pour vous permettre de donner une part beaucoup plus importante à un de vos enfants – qui en a plus besoin, par exemple.
- Vous souhaitez avantager un enfant. Sans l’accord des autres, vous pouvez avantager un enfant dans la limite de leur réserve héréditaire.
Mais dans la limite de la réserve héréditaire !
Vos enfants sont héritiers réservataires. C’est-à-dire qu’une part de votre héritage leur est obligatoirement réservée :
- Si vous avez 2 enfants, la réserve héréditaire de chacun est de 1/3 de votre patrimoine. Vous disposez librement du tiers restant, c’est votre quotité disponible : vous pouvez avantager un enfant, dans le cadre d’une donation-partage, pour cette seule valeur. Exemple : vous pouvez donner un appartement d’une valeur de 100 000 € à un enfant et une maison évaluée à 200 000 € à votre autre enfant.
- Avec 3 enfants et plus, votre quotité disponible est de 1/4.
La donation-partage est un acte notarié. Au moment de procéder, votre notaire vérifie la valeur de chaque lot et la répartition que vous souhaitez en faire. En cas de donation-partage inégalitaire, dans le respect de votre quotité disponible, le notaire vous informe des conséquences : absence de rapport de la donation-partage à la succession, héritier définitivement désavantagé.
L’action en réduction ouverte aux héritiers
Pour protéger les héritiers, la loi leur ouvre un recours en cas de donation-partage inégalitaire : l’action en réduction.
- L’action en réduction est ouverte au décès du donateur, et se prescrit dans un délai de 5 ans à compter de l’ouverture de la succession.
- L’enfant lésé ne peut contester la donation-partage que si sa réserve héréditaire est entachée. L’action en réduction en revanche ne permet pas de contester la nature du lot. Exemple : un enfant ne peut remettre en cause une donation-partage au prétexte qu’il aurait préféré recevoir un bien immobilier – qui a pris de la valeur – plutôt que de l’argent – qu’il n’a pas fait fructifié.
- La valeur du lot pour le calcul de la réserve héréditaire est la valeur du lot au jour de la donation-partage, et non la valeur au jour du décès.
FAQ
Donation-partage avec ou sans réserve d’usufruit : quels sont les risques ?
La donation-partage implique de se déposséder immédiatement et irrévocablement : soyez sûr de vous. Si vous faites une donation-partage avec réserve d’usufruit, l’intention est légèrement différente : soit, vous donnez définitivement et irrévocablement, mais vous souhaitez garder la jouissance, notamment pour vous sécuriser financièrement. Le risque dans le cadre de cette opération : la vente du bien objet de la donation-partage avec usufruit est complexe. Vous voulez vendre pour investir dans un nouveau projet immobilier, ou simplement pour déménager ? Vous avez besoin d’argent et vous comptez sur votre part en tant qu’usufruitier sur le prix de vente du bien ? Attention ! Sans l’accord de votre enfant nu-propriétaire du bien, vous ne pouvez pas vendre.
Les frais de donation-partage : qu’allez-vous payer ?
Vous payez 2 types de frais :
- Les droits de donation, après application de l’abattement pour lien de parenté – 100 000 € par parent et par enfant tous les 15 ans.
- Des frais de notaire, c’est-à-dire sa rémunération pour l’établissement de l’acte notarié indispensable à la donation-partage et des taxes.
Peut-on revenir sur une donation-partage ?
La donation-partage est irrévocable, sauf exceptions :
- Vous avez consenti une donation-partage à un neveu ou à une nièce, et vous avez votre 1er enfant – naissance ou adoption. L’arrivée d’un 1er enfant peut annuler la donation-partage, sur demande judiciaire.
- L’ingratitude – au sens de la loi – du bénéficiaire annule la donation-partage.
- Si vous avez prévu une clause de retour, vous récupérez le bien donné si le bénéficiaire décède avant vous.
- L’inexécution d’une charge prévue au moment de la donation-partage peut également remettre en cause l’acte.