Donation universelle entre époux : comment protéger votre conjoint ?

La donation universelle, au moment d’anticiper votre succession, est un bon moyen de protéger votre conjoint. Avec ou sans enfants, dans le cadre d’une parfaite entente ou en cas de discorde familiale… en fonction de votre situation, découvrez comment vous assurer des intérêts de votre époux au jour de votre décès !

La part d’héritage de votre conjoint en l’absence de donation au dernier vivant

En dehors de toutes libéralités, le droit des successions règle les parts d’héritage de chacun de vos héritiers.

  • Vous n’avez pas d’enfants ? Votre conjoint a priori hérite de tout votre patrimoine. Attention ! Si vos parents sont toujours vivants, ils reçoivent chacun 1/4 de votre patrimoine. Votre époux, dans ces conditions, n’hérite que de la moitié ou des 3/4 de votre succession.
  • Vous avez des enfants ? Votre conjoint hérite au choix d’1/4 en pleine propriété, ou de la totalité en usufruit. A noter : si vous laissez des enfants d’une autre union, votre conjoint n’a pas le choix, il reçoit 1/4 en pleine propriété.

En tout état de cause, votre conjoint survivant a le droit d’occuper le logement à vie, jusqu’à son propre décès. Mais c’est un simple droit d’occupation, il ne peut pas disposer du bien.

La donation entre époux pour augmenter la part de votre conjoint survivant

Vous pouvez prévoir, de votre vivant, des libéralités : vous décidez d’attribuer gratuitement tout ou partie de votre patrimoine à des tiers. La donation entre époux, ou donation au dernier vivant, est une libéralité qui prend effet à votre décès. Devant notaire, vous passez un acte qui détermine la part d’héritage de votre conjoint survivant.

A noter : la donation entre époux étant passée devant notaire, vous payez des frais de notaire.

Cet acte vous permet d’aménager les règles fixées par le droit des successions, mais dans une certaine limite seulement…

La donation universelle en l’absence d’enfants

Vous pouvez prévoir, de votre vivant, de transmettre l’intégralité de votre patrimoine à votre conjoint survivant. Cette libéralité est prévue à l’article 1094 du Code civil. La donation, universelle, exclut ainsi vos parents de votre succession, les intérêts de votre époux sont parfaitement protégés. D’autant plus qu’il ne paye pas de droits de succession…

A noter : seule exception à connaître, le « droit de retour ». Si vos parents vous avaient donné des biens avant votre décès, ils peuvent les récupérer : votre époux ne les reçoit pas.

La donation entre époux en présence d’enfants

La loi désigne les enfants comme héritiers « réservataires ». C’est-à-dire qu’ils ne peuvent être totalement exclus de votre succession – impossible de les déshériter. Mais l’article 1094-1 du Code civil vous autorise à augmenter les droits de votre époux dans la succession… 3 options s’offrent à vous :

  1. Vous lui transmettez toute la quotité disponible. Avec 1 enfant, vous pouvez lui transmettre la moitié de votre patrimoine en pleine propriété. Si vous avez 2 enfants, votre conjoint peut recevoir jusqu’à 1/3. Et avec 3 enfants ou plus, il reçoit au maximum 1/4 de votre patrimoine.
  2. Vous lui transmettez la totalité de l’usufruit sur votre patrimoine. La nue-propriété revient alors à vos enfants.
  3. Vous lui transmettez 1/4 de vos biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit.

En anticipant votre succession, vous pouvez donc prévoir des mesures plus favorables au profit de votre conjoint survivant.

Comment faire une donation universelle en présence d’enfants ?

Vous l’avez compris, en présence d’enfants (héritiers réservataires), votre époux a priori ne peut hériter de tout votre patrimoine. Néanmoins des solutions modulables existent pour consentir une donation universelle à votre époux en présence d’enfants.

1/ La réduction facultative de la donation universelle

En présence d’enfants, vous pouvez demander au notaire de passer un acte de donation universelle au profit de votre conjoint survivant. A votre décès, votre époux reçoit tout votre patrimoine – qui sera transmis à vos enfants lors de son propre décès.

A noter : si vous avez des enfants d’une union précédente, cet acte est complexe à mettre en œuvre tant sur le plan légal que sur le plan pratique. En effet, les enfants que vous avez avec votre conjoint survivant finissent par hériter de votre patrimoine, puisqu’ils sont héritiers de votre conjoint survivant. Mais vos enfants issus d’une précédente union ne sont pas héritiers de votre conjoint survivant. La donation universelle reviendrait alors à les priver définitivement de leur part d’héritage, ce qui n’est pas possible – et pas souhaitable, sauf grave mésentente avec vos enfants.

Au jour de votre succession, vos enfants pressés de recevoir leur part d’héritage pourront tout à fait demander la « réduction » de la donation. Dans ce cas, ils recevront leur part légale en tant qu’héritier réservataire. Mais s’ils n’en ont pas besoin immédiatement, et/ou s’ils souhaitent protéger leur parent survivant dont la retraite et la pension de réversion sont trop faibles, ils n’engageront pas d’action en réduction. Dans ce cas, votre époux héritera de tout votre patrimoine à votre décès. Dans la mesure où la réduction est facultative, vous pouvez donc faire une donation universelle à votre époux, enfants ou non.

2/ La renonciation anticipée à l’action en réduction (RAAR)

Les articles 929 et suivants du Code civil offrent une alternative intéressante pour protéger votre époux dans le cadre d’une donation universelle. La loi en effet autorise vos enfants à renoncer expressément, de manière anticipée, à leur action en réduction. Concrètement :

  1. Vous faites une donation universelle au profit de votre conjoint survivant.
  2. Chaque enfant renonce expressément à son action en réduction. La renonciation étant lourde de conséquences, l’acte doit être passé sous forme authentique, reçu par 2 notaires. On parle de pacte successoral.

Avec la RAAR, vous êtes sûr que votre époux hérite de tout votre patrimoine au jour de votre décès : sa protection est optimale. Mais pour ne pas léser vos enfants, une porte de sortie leur est ouverte. S’ils sont dans le besoin à l’ouverture de votre succession, ils peuvent en effet demander la révocation de leur renonciation. Dans ce cas, c’est au tribunal de juger de l’opportunité de la révocation, et de calculer la part d’héritage à accorder à l’héritier eu égard à son état de besoin.

La faculté de cantonnement pour laisser le conjoint survivant arbitrer

Vous avez fait une donation universelle à votre époux ? Au jour de l’ouverture de votre succession, la situation familiale peut avoir évolué… La loi dans ce contexte prévoit une faculté de cantonnement au bénéfice du conjoint survivant : il peut « cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur ».

C’est-à-dire que le conjoint bénéficiaire de la donation universelle choisit librement de laisser certains biens à vos enfants. Il renonce à une part de son héritage, au profit de vos enfants. Lorsque l’entente familiale est parfaite, le cantonnement permet de prévoir une donation universelle en bonne intelligence !

Donation universelle, communauté universelle ou clause de préciput ?

D’autres outils juridiques permettent de protéger votre époux au jour de votre décès.

Changer de régime matrimonial

Vous étiez mariés sous le régime légal de participation aux acquêts ? Vous pouvez changer pour la communauté légale, avec clause d’attribution intégrale au dernier survivant.

  1. A votre décès, c’est votre époux qui hérite de tout le patrimoine.
  2. Au décès de votre époux, vos enfants reçoivent leur part d’héritage.

Les limites du changement de régime matrimonial :

  • La procédure est lourde : elle nécessite l’accord des enfants, suppose du temps et un coût élevé.
  • Pas de faculté de cantonnement : au jour de votre décès, votre succession est transmise automatiquement à votre époux survivant, peu importe les besoins de vos enfants.

Prévoir une clause de préciput

Insérée au contrat de mariage, conformément aux dispositions des articles 1515 à 1519 du Code civil, la clause de préciput permet d’attribuer des biens déterminés à votre époux au jour de votre décès. Ces biens sont considérés « hors succession », mais vos enfants pourront engager une action en retranchement – similaire à l’action en réduction. Vous pouvez donc prévoir de votre vivant que votre époux recevra la résidence principale ou secondaire, un bien locatif, un placement bancaire, une assurance vie… L’avantage de la clause de préciput : votre époux décidera librement d’accepter ou non le bien au jour de votre succession. La limite : alors que vous pouvez annuler unilatéralement la donation universelle entre époux, l’annulation de la clause de préciput nécessite l’accord de votre époux.

A noter : donation universelle ou clause de préciput, les effets sont automatiquement annulés en cas de divorce.

Nicolas Kern

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Nicolas Kern

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